Le cercle

Le cercle est une chorégraphie pour voitures et musiciennes, présentée dans un stationnement de Laval. Sept conductrices au volant de véhicules rouges dessinent des cercles sur l’asphalte, accompagnées par l’interprétation du Sacre du printemps de Stravinsky. L’événement, à la fois spectaculaire et intime, transformait un lieu banal en scène collective où solidarité et puissance féminine se déployaient.

Où ?

Un stationnement devenu scène

Carte de Laval

Lieu unique

Parc Saint-Maxime

En bordure de la Rivière-des-Prairies et du Pont Lachapelle (route 117)

Quartier : Chomedey, Laval

Photo d'Alexis Bellavance

L’événement s’est déroulé sur un grand îlot d’asphalte entouré de verdure. Le public pouvait s’installer sur l’herbe pour observer la chorégraphie, ou même l’apercevoir depuis l’autoroute voisine. Le stationnement, espace typique de la banlieue où la voiture occupe une place centrale, a été transformé en une scène à ciel ouvert. La nature environnante — arbres, rivière, pelouses — servait de décor, comme un contraste poétique avec l’asphalte et les moteurs.

1 of 4Si vous tombiez par hasard sur une telle chorégraphie dans un stationnement, quelle serait votre réaction ?
2 of 4Trouvez-vous qu’un espace banal comme un stationnement peut devenir un lieu de spectacle ? Pourquoi ?
3 of 4Qu’est-ce qui change, selon vous, quand l’art s’invite à l’extérieur d’une salle de théâtre ?
4 of 4Comment la nature autour (rivière, arbres, verdure) influence-t-elle votre perception de la performance ?

Qui ?

Michelle Lacombe

Photo d'Alexis Bellavance

Michelle Lacombe est une artiste de l’Voir la définition complète dans le lexiqueart performance qui s’inspire de son propre corps et de son identité pour créer des œuvres éphémères. Elle s’intéresse particulièrement aux traces laissées sur le corps comme le tatouage, par exemple. Elle utilise des matériaux que l’on retrouve dans la vie quotidienne pour questionner certains stéréotypes liés au genre ou à la culture.

La performance peut permettre aux gens de vivre une transformation au niveau personnel.

Michelle Lacombe

Comment ?

Un cercle pour créer du lien

Dans Le cercle, la figure géométrique devient un geste collectif. Les voitures tracent des rondes sur l’asphalte, laissant des marques circulaires de pneus et des brûlures de fusées de détresse. Ce motif, simple et puissant, évoque de nombreux rassemblements : rondes enfantines, danses folkloriques, cercles de sorcières ou encore des fêtes collectives qui marquent le retour du printemps. Dans tous les cas, le cercle unit les personnes, efface la hiérarchie et renforce le sentiment d’appartenance. Ici, les conductrices, au volant de leurs voitures rouges, incarnent cette solidarité en mouvement. Le cercle devient un espace de partage, sans hiérarchie, où la communauté se construit en mouvement.

Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
1 of 4Quels souvenirs personnels vous viennent à l’esprit lorsque vous pensez à une ronde ou à un cercle collectif ?
2 of 4Quelles différences remarquez-vous entre un cercle de danseurs et celui formé par des voitures ?
3 of 4Pourquoi, selon vous, le cercle est-il une figure si universelle pour représenter le lien humain ?
4 of 4Et vous, comment vous sentiriez-vous en tournant dans ce cercle avec les autres ?

Le rouge, signe d’intensité

Impossible d’ignorer la couleur rouge dans Le cercle. Les voitures, les vêtements des conductrices et même les musiciennes partagent cette teinte flamboyante. Le rouge attire l’œil, symbolise à la fois la passion, l’énergie et le danger. Dans le monde automobile, c’est la couleur des bolides de course et des modèles de luxe ; dans l’univers du ballet classique, elle est réservée aux chaussons de la première danseuse. Ici, toutes les femmes s’approprient cette couleur puissante, chacune avec son véhicule — minivan, VUS, pick-up, Mustang. Ce choix collectif les distingue et les rassemble à la fois. Les fusées de détresse, avec leur fumée rougeâtre, rappellent que cette intensité peut aussi frôler le danger. En filigrane, le rouge devient le fil conducteur d’une communauté en mouvement, à la fois flamboyante et affirmée.

Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
Photo de Michelle Lacombe
La partition musicale de Stravinsky, écrite pour un grand ensemble, a été arrangée spécialement pour Le cercle afin d’être jouée à sept instruments tout en conservant la richesse sonore de l’originale.
Photo d'Alexis Bellavance
Photo de Michelle Lacombe
L’artiste a fait produire spécialement pour la voiture de chacune de « ses danseuses » une plaque d’immatriculation dans une teinte de rouge singulière.
1 of 4Qu’est-ce que la couleur rouge évoque spontanément pour vous ?
2 of 4Comment percevez-vous la différence entre une voiture rouge « de tous les jours » et une voiture de course rouge ?
3 of 4Selon vous, pourquoi l’artiste a-t-elle choisi d’unifier tous ces éléments par la même couleur ?
4 of 4Et si la performance avait été réalisée dans une autre couleur, laquelle auriez-vous imaginée et pourquoi ?

Culture automobile et figure féminine forte

L’univers automobile n’est pas seulement fait de vitesse et de performance, il est aussi marqué par une culture de rassemblements — légaux ou clandestins — où la mécanique devient un langage commun. Le cercle s’inspire de cet imaginaire : les conductrices reprennent des gestes familiers comme tourner en rond (« donuts »), brûler l’asphalte ou soulever un capot, mais les transforment en une chorégraphie assumée. Dans un monde souvent associé au masculin, ces gestes sont réinventés par des femmes qui affirment leur puissance et leur confiance. En écho, l’œuvre convoque aussi les codes rigides d’autres univers — le ballet et la musique classique — pour les détourner et les confronter à l’énergie brute des moteurs. Comme les cercles de sorcières évoqués plus tôt, ce mélange de cultures populaires et savantes, de rites clandestins et d’arts établis, crée une image forte et inattendue de la féminité : à la fois disciplinée et rebelle, collective et spectaculaire.

Photo d'Alexis Bellavance
Photo d'Alexis Bellavance
1 of 4Quelles émotions ressentez-vous quand un geste mécanique (soulever un capot, tourner en rond) devient un geste chorégraphique ?
2 of 4Est-ce surprenant de voir cohabiter l’univers des rassemblements automobiles et celui de la musique classique ? Pourquoi ?
3 of 4En quoi la présence de femmes au volant modifie-t-elle votre perception de ces gestes habituellement associés à la culture automobile ?
4 of 4Si vous deviez imaginer une autre rencontre entre un art « classique » et une pratique populaire, laquelle choisiriez-vous ?

Se réapproprier les codes du ballet

Le cercle fait écho à une œuvre majeure de l’histoire de la danse : Le sacre du printemps de Stravinsky, dont il reprend la deuxième partie, intitulée Le Sacrifice. À sa création en 1913, la chorégraphie de Nijinsky avait provoqué un scandale, bouleversant les codes du ballet classique par ses gestes anguleux, lourds et collectifs. Plus d’un siècle plus tard, Michelle Lacombe cite et se livre à une Voir la définition complète dans le lexiqueréappropriation de ces références en remplaçant les ballerines par des conductrices et leurs corps par des voitures. Les rondes tracées sur l’asphalte rappellent le cercle mystérieux des adolescentes du ballet, tandis que la musique jouée par sept musiciennes amplifie la tension dramatique. Ce geste de citation transforme le stationnement en une scène hybride, à mi-chemin entre tableau vivant et rituel contemporain. Éphémère, la performance ne laisse que des Voir la définition complète dans le lexiquetraces matérielles (pneus, fusées de détresse) et immatérielles (mémoire, émotions, apprentissages), comme une danse qui disparaît sitôt exécutée mais continue de résonner.

Photo d'Alexis Bellavance
Photo de Valentine Gross
Partition du Sacre du printemps accompagnée de croquis des danseuses, réalisés par Valentine Gross lors de la première représentation du ballet en 1913.

Contenu de la galerie d'images

Pour chacune de « ses danseuses », l’artiste a fait produire un porte-clé unique qui reprenait les dessins de Valentine Gross.

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1 of 4Qu’est-ce que cela change, selon vous, de transposer une danse de ballet dans un stationnement avec des voitures ?
2 of 4Comment réagissez-vous en apprenant que l’œuvre fait référence à un ballet qui a scandalisé le public à son époque ?
3 of 4Pensez-vous que citer une œuvre du passé peut renforcer la portée d’une création contemporaine ? Pourquoi ?
4 of 4Si vous deviez réinventer un autre art classique (opéra, peinture, sculpture) dans un lieu du quotidien, lequel choisiriez-vous et comment ?

Pourquoi ?

Un rituel réinventé en geste collectif

Avec Le cercle, Michelle Lacombe transforme un rituel sacrificiel en acte de puissance et de solidarité. Là où l’histoire du ballet montrait une jeune femme contrainte de danser jusqu’à l’épuisement, l’artiste choisit elle-même le rôle le plus risqué, au volant de la Mustang, et le partage avec un groupe de conductrices complices. Ensemble, elles créent un cercle de femmes qui ne subissent plus, mais qui affirment leur confiance et leur autonomie.

En mêlant l’énergie brute des moteurs, la solennité de la musique classique et l’intensité du rouge, l’œuvre propose une image nouvelle de la féminité : flamboyante, collective et affirmée. Elle met en lumière la capacité de l’art à détourner des codes populaires et savants pour bâtir des représentations alternatives.

Éphémère dans le temps mais durable dans l’esprit, Le cercle dépasse le simple spectacle pour devenir un moment de communauté. Ses traces visibles s’effacent vite, mais l’expérience partagée continue de résonner : pour le public qui l’a regardée, et surtout pour les participantes elles-mêmes, premières témoins et actrices de cette transformation.

Photo d'Alexis Bellavance

Pour moi, l’idée de la sororité, c’est un sens de communauté ou d’appartenance qui émerge d’un acte, d’un geste, d’une action partagée.

Michelle Lacombe